Faire un bon de retour dans le baquet de droite d’une ancienne, une Fiat Moretti 1968, c’est aussi s’offrir un délicieux voyage émotionnel et épique à travers champs et temps. Et mesurer que l’auto ne dépareille pas dans le paysage.

DE PARIS À CLERMONT-FERRAND (PUY DE DÔME) – Ces quelques mots prophétiques, orwelliens, sur un mur blême de capitales : « En dehors du travail, tout sera interdit, marcher dans la rue, se distraire, chanter, danser… »

Dans la belle aube, la Fiat Moretti Sportiva 1968, rouge, forcément rouge, danse sur les pavés, brinquebalée et libérée; pétarade de ses quatre cylindres d’origine qui font comme des petites orgues.La tige alu de levier de vitesses vibre, demande une cinquième qui n’existe pas. Une étincelle sous le tableau de bord, soudain, trahit un fusible qui saute, qui condamne encore le feu arrière gauche. La portière avant s’entrouvre, rétive, mal ajustée… Et puis la jauge fait du trampoline, et puis le klaxon ne klaxonne pas et puis et puis… « Mais au moins elle marche », glisse son pilote Thomas de Chessé, mitaines de cuir, lu- nettes pour le soleil affleurant. Mais au moins elle est vivante.

C’est son premier départ. Numéro86. C’est le Tour de France, c’est pas rien. Il a fallu la pousser sous la voûte du Grand- Palais. « C’est marrant, ce modèle avait été présenté là, au salon de l’auto. » Un soigneux délire de carrossier italien au mitan du siècle d’avant. Carrozzeria Moretti. Redessiner une Fiat, garder la mécanique, affiner l’enveloppe. Trois cents exemplaires. « T’as vu le galbe, on dirait une sportive», poursuit le pilote-propriétaire-conservateur, qui chafouine parce que quelque part aussi derrière le tableau de bord une vis vibre, mais qui, c’est décidé, va d’abord profiter.
Un petit moteur, 843 centimètres cubes, un poids plume, 680kg, l’aiguille qui vibre à 140km/h, pas de ceinture car à l’époque c’était bretelles et pas airbag, la liberté choisie…

Paris s’éveille, a le masque, mais à Paris à vélo mercredi dernier on saluait les belles autos – 203 engagées – aux ronds-points sans gilets jaunes. On montait ainsi vers Montlhéry et son anneau où bien des pilotes ont épousé des voitures, où les fantômes roulants d’As- cari, Beltoise ou Oreiller semblent pou- voir se réveiller….

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